Présentation de l’ouvrage
« Contes, légendes et belles histoires des moulins de Wallonie »
Le dimanche 12 novembre 2017 à 15h00, en la Salle Mathieu de Geer à Barvaux
Allocution de Philippe Bontemps, Bourgmestre de la Ville de Durbuy
Monsieur René Collin, Ministre wallon de la Ruralité,
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Mesdames et Messieurs en vos titres et qualités,
Chers Amis,
L’histoire classique a depuis longtemps étudié et magnifié le temps des cathédrales, celui des châteaux, oubliant paradoxalement le temps des moulins et des meuniers, sans le travail desquels châteaux et cathédrales n’auraient été ni aussi beaux ni aussi riches…
Sans le paysan qui labourait, semait et récoltait, sans le meunier qui moulait le blé et le charpentier qui construisait le moulin, il n’y aurait tout simplement eu ni cathédrales ni châteaux aussi majestueux !
S’intéresser au moulin, il y a quelques décennies, était pour le moins insolite. S’agissait-il d’esthétisme romantique ? De folklorisme attardé ? En quoi le moulin pouvait-il être un objet d’étude et de recherche ? On préférait alors étudier l’importance et le rôle du forgeron africain dans les sociétés « primitives » ou l’évolution typologique de l’urne cinéraire à l’Age du Fer…
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Il faut bien le reconnaître, le moulin – ce patrimoine ethnologique – attirait fort peu les chercheurs. Jusqu’au jour où un Rendeusien, Jacky Adam, décida de prendre à bras-le-corps le passé des moulins de l’Ourthe. Il ne pouvait pas en être autrement, puisque son grand-père Désiré Cornet tenait le moulin de Bardonwez.
Depuis 1999, ce réveilleur de mémoire piste les vestiges des moulins, témoins désormais silencieux du travail et de la peine des hommes, et recueille inlassablement les témoignages des anciens meuniers et de leurs descendants.
Commença alors une « folle » aventure qui dure depuis lors : sollicitations écrites et téléphoniques, échanges épistolaires, entretiens oraux par milliers… au cours desquels Jacky Adam et ses témoins devinrent complices et coauteurs d’un très riche dialogue, qui aboutira à l’écriture de livres à plusieurs voix.
Pièce maîtresse de la société rurale d’autrefois, le moulin avait tout pour séduire. Par ses qualités esthétiques d’abord.
Qui aurait pu rester insensible au charme de cette solide bâtisse, nichée au creux d’une vallée paisible veinée d’un ruisseau, et qui pourtant vibrait de tout son être quand l’eau actionnait la roue et que les meules broyaient le grain? Qui n’aurait pas été admiratif devant la remarquable horlogerie de sa mécanique, devant le ronronnement des engrenages et le chant des poulies ? Qui ne se serait pas senti emporté par une houle d’odeurs, d’effluves de son et de farine qui poudroyaient dans la lumière ?
Ensuite, le moulin était un maillon indispensable dans les diverses chaînes qui alimentaient la communauté villageoise en produits de première nécessité : celle qui allait du blé au pain, mais aussi celle du bois, des écorces à moudre pour les tanneries, de la production d’huile pour l’éclairage, de l’énergie indispensable à l’activité industrielle, à la fabrication du papier…
Depuis près de deux décennies, les moulins du bassin de l’Ourthe renaissent grâce au travail de bénédictin réalisé par Jacky Adam, qui a réussi la gageure de ressusciter 252 moulins au fil de la rivière, depuis ses sources à Deiffelt et à Ourt jusqu’au confluent à Liège, où elle épouse la Meuse.
Cette vaste entreprise, sobrement intitulée Des Moulins et des Hommes, comprend actuellement quelque 1.700 pages, réparties en six tomes, richement illustrés de nombreuses photographies et de témoignages vivants, qui retracent la vie des hommes lorsque celle-ci était rythmée par la musique du moulin.
Une véritable saga passionnante que nous devons à cette « mémoire meunière » qu’est Jacky Adam. Au fil des pages, nous revoyons les roues tourner, les meuniers s’affairer; au fil de la lecture, nous entendons même le clapotis de l’eau qui actionnait les aubes des roues…
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A la fin du tome 6, paru en 2015, Jacky Adam nous annonçait, « pour dans deux-trois ans », un septième tome, composé de « pièces rapportées », à savoir « des trésors, petits et plus grands » qu’il avait découverts au cours de 17 années de pérégrinations et qui n’avaient pas trouvé place dans les tomes précédents. Nous nous réjouissions déjà de lire ce recueil de « rawètes », en nous disant que c’est avec les restes que l’on fait les meilleurs plats !
Or, que constatons-nous aujourd’hui ? Au lieu de ce tome 7 tant attendu, notre ami Jacky nous a réservé une surprise de dimension avec un tome 8, au titre tout aussi alléchant : « Contes, légendes et belles histoires des moulins de Wallonie ».
Les moulins… Ils ont toujours fait rêver, au même titre que les châteaux-forts, les villages disparus, les fontaines, les arbres multiséculaires… ! Rien d’étonnant donc à ce qu’ils servent de décor à de nombreux contes et légendes populaires, d’autant que le couple moulin-meunier anima l’imaginaire populaire pendant des siècles, nourrissant contes et fabliaux, faisant germer dictons, proverbes, chansons… Bref un vrai moulin à paroles que le progrès technique a finalement réduit au silence.
« Mythes, contes et légendes côtoient les moulins depuis des temps immémoriaux, créant ainsi un imaginaire social, fédérateur, qui enrichit et organise la réalité », rappelait le sociologue et philosophe Edgar Morin.
Au fil de ses recherches sur la meunerie, Jacky Adam a en effet collecté de nombreux récits, de nombreuses anecdotes, qu’il a décidé de publier pour qu’ils ne tombent pas dans la nuit de l’oubli. N’est-ce pas Albert Meyrac qui écrivait en 1890 : « Il ne faut pas se laisser dissiper, sans en conserver des bribes, le patrimoine intellectuel de ceux qui ne savent pas lire… et dont la mémoire serait malheureusement perdue si le livre ne la fixait pas et ne la conservait à ceux qui viendront après nous. »
Mesdames, Messieurs, chers Amis, préparez-vous donc à un voyage dans la Wallonie d’autrefois où chaque histoire vous ouvrira les portes d’un univers où le merveilleux côtoie le féerique et le surnaturel.
Au fil des pages, vous irez à la chasse aux lurcettes à Wibrin, à la recherche du veau d’or au moulin de Liresse. Vous irez à la rencontre du terrible Guillaume de la Marck aux Roches-à- Fresnes, des non moins terribles Magonette et Géna au moulin de Deux-Rys.
Au détour d’une sente, vous vous trouverez face au meunier du Fond de Quarreux qui vendit son âme au diable. Vous vous aventurerez peut-être au pied des falaises de Dieupart à la recherche de Jean-Louis Dupont et de Marie-Jeanne Hotchamps. Quant aux spectres de Rochelinval, ils vous donneront à coup sûr la chair-de-poule… Et si vous vous en sortez sains et saufs, il vous restera à vous initier au jeu « Molin-Molant ».
En tout, ce sont 131 récits que vous propose Jacky Adam, dans l’espoir de vous enchanter, voire de vous faire frémir…
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Merci, cher Jacky, à toi et à toute ton équipe, pour la qualité de cet ouvrage qui nous permet de revisiter une époque où le temps s’égrenait autrement et où les relations humaines avaient probablement une intensité et une saveur plus forte qu’aujourd’hui.
Qu’il me soit permis de remercier d’une manière toute particulière et appuyée nos trois Durbuysiens qui t’ont apporté, cher Jacky, leur concours dans l’élaboration de cet ouvrage. Que François Bellin et son épouse Madeleine Desert, de Tohogne, qu’André Baijot, de Bomal, soient chaleureusement remerciés, leur modestie naturelle dût-elle en souffrir !
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Le 15 novembre 1945, à la gendarmerie d’Olne, Madeleine Cornet accoucha de son deuxième garçon qu’on appela Jacques, ainsi qu’il fut déclaré à l’Etat civil par son père, Joseph Adam, gendarme. C’est ainsi, Mesdames et Messieurs, qu’est né l’amoureux des moulins, celui qui désormais allait s’appeler Jacky pour la postérité…
Aussi, avec trois jours d’avance, je me permets, cher Jacky, de te souhaiter un Excellent Anniversaire !
Philippe BONTEMPS,
Bourgmestre de Durbuy.